Les théories de la science moderne et les philosophies qui acceptent la réincarnation sont-elles incompatibles ? Au contraire, dans son livre « Réincarnation, de l’expérience à la science », Sylvie Simon fait état des nombreux ponts qui relient ces deux approches de la vie.
Pendant plusieurs siècles, notre culture occidentale a été conditionnée par le point de vue matérialiste qui considérait l’univers comme une gigantesque machine composée d’éléments inanimés, soumis à des lois aveugles et immuables. Mais à présent, à l’instar du mathématicien, physicien et astronome anglais Sir James Jeans, nombre de scientifiques estiment que « L’univers commence à ressembler davantage à une gigantesque pensée qu’à une gigantesque machine ». Ainsi, les récentes découvertes scientifiques ont ouvert de nouvelles perspectives sur nous-mêmes aussi bien que sur la nature du Cosmos que nous habitons, et permettent d’envisager une nouvelle vision du monde.
Pour leur part, certains physiciens, et non des moindres, pensent que la conscience humaine pourrait n’être qu’une expression de la conscience de l’univers. De la sorte, ces scientifiques retrouvent la notion de l’Univers vivant de Jamblique et des néoplaticiens.
De même, rien n’est plus proche de la description des champs quantiques par les physiciens modernes que la pensée mystique du bouddhisme tibétain. Ainsi, Lama Govinda, déjà cité, explique :
« Le monde extérieur et le monde intérieur ne sont que deux faces d’un même ouvrage où les fils, de toutes les forces et de tous les évènements, de toutes les formes de conscience et de tous leurs objets, sont tissés en un réseau indivisible de relations indéfinies qui se conditionnent mutuellement. »
Ce discours ressemble à s’y méprendre à celui des physiciens quantiques dont la théorie révèle l’unicité fondamentale de l’univers – toute chose étant connectée avec les autres et déterminée par les propriétés de toutes les autres -, et démontre l’impossibilité de découper le monde en unités plus petites, douées d’une existence indépendante. Il rejoint la théorie du bootstrap de Geoffrey Chew – ancien élève de Fermi, puis professeur de physique à Berkeley – qui implique que l’existence de la conscience, de même que tous les autres aspects de la nature, est nécessaire à l’auto-cohérence du Tout.
A ce sujet, lors d’une conférence publique qu’il donna à Boston en 1969, Chew ne cacha pas sa contrariété de découvrir que ses recherches « étaient en quelque sorte fondées sur des idées qui semblaient terriblement non scientifiques quand elles étaient associées à des enseignements bouddhiques ». Depuis, il a avoué que l’embarras qu’il a ressenti à cette époque a, peu à peu, « été remplacé par une sensation d’émerveillement, combinée avec une sensation de gratitude parce que je suis vivant pour assister à une telle période de développement. »
Mais il n’y a pas que les philosophes orientaux qui ont mis l’accent sur l’unicité.
Déjà, vers 640 avant J.-C., Thalès affirmait qu’il n’existait pas de corps proprement dits, mais seulement des assemblages momentanés de corpuscules unis par l’énergie cohérente. Cent ans plus tard, Héraclite d’Ephèse expliquait que la matière vivante participait à la vie psychique et physique d’un grand Tout. Nombre de grands penseurs grecs partageaient ces idées, reprises à la Renaissance par Paracelse, Pic de la Mirandole, Jacob Boehme et bien d’autres philosophes d’Occident.
Fritjof Capra, qui fut professeur de physique des particules élémentaires à l’université de Berkeley et qui a longuement réfléchi aux similitudes entre les lois de la physique moderne et la mystique orientale, enseigne que les particules subatomiques qui apparaissent tantôt comme des particules, tantôt comme des ondes, selon la façon dont on les observe, ne sont pas des « choses », mais des interconnexions entre des choses qui sont, à leur tour, des interconnexions entre d’autres choses, et ainsi de suite.
Capra a consacré son travail à une nouvelle conception de la réalité et aux implications générales de cette transformation culturelle. Actuellement, il pense que
« Notre avenir, notre survie même, passent par une nouvelle sagesse : celle d’individus susceptibles de travailler à l’élargissement de leur propre conscience ».
De son côté, Rupert Sheldrake, spécialiste de la biologie et de la biochimie cellulaire, membre de la très honorable Royal Society, se bat pour démontrer que la nature n’est pas une machine, une entité inerte, mais un être vivant dont nous faisons partie intégrante et que le cosmos possède une force créatrice.
Selon sa théorie, des champs, qui seraient des régions d’influence non matérielles, évolueraient dans le temps et dans l’espace et renfermeraient une mémoire de leurs existences physiques antérieures qui serait cumulative, ce qui expliquerait que toutes sortes de phénomènes deviennent de plus en plus habituels par répétition. La résonance de ces champs morphiques n’impliquerait pas un transfert d’énergie d’un système à l’autre, mais plutôt un transfert d’information non-énergétique.
Ses travaux, qui cadrent bien avec la théorie de la réincarnation, permettent une meilleure compréhension de la nature humaine, façonnée par la mémoire collective, liée à la terre et aux cieux, à toute forme de vie, et ouverte à la puissance créatrice exprimée par l’évolution. (…)
Pour sa part, le physicien Jean Charron, qui était également philosophe, a tenté d’expliquer l’idée que notre personne, ou plutôt notre Esprit, serait contenue à « l’intérieur » de certaines particules de matière de notre corps, les électrons, qui ressemblent à de minuscules trous noirs. Comme eux, ils enferment un espace et un temps différents mais complémentaires de ceux auxquels nous sommes habitués. Cet espace-temps posséderait de la sorte des qualités « spirituelles ». C’est dans ces électrons « pensants » ou « éons », que notre Esprit tout entier serait contenu. Suivant les lois de la physique, ces particules posséderaient une vie pratiquement éternelle dans le passé comme dans le futur, et notre Esprit, qui prend ses racines dans un passé aussi vieux que l’Univers, continuera, après notre mort corporelle, à partager l’aventure du monde jusqu’à la fin des temps.
Quant à David Bohm, proche d’Einstein, il enseigna la physique quantique et la théorie de la relativité à l’université de Princeton, puis au Brésil, et enfin au Birkbeck College de Londres, et fut nommé « Fellow » de la Royal Society anglaise, titre prestigieux. Pour lui, selon la mécanique quantique, la relativité est un processus de plénitude en état de changement constant : le « holomouvement ». Ce modelé d’Univers introduit un changement radical dans la compréhension de l’espace et du temps. L’espace contiendrait une énorme quantité d’énergie, et cet arrière-plan énergétique engendrerait le monde phénoménal dans lequel nous vivons. Le « holomouvement » serait la source même de la vie.
Bohm s’est longuement entretenu avec le Dalaï Lama et a constaté que son concept holographique était en parfait accord avec le concept holistique des chamans qui reconnaissent l’interconnexion de toutes choses et estiment que la pensée peut affecter d’autres parties de l’univers. Il a comparé sa théorie au bouddhisme tibétain, pour lequel le vide est le point de départ de toutes choses, un flux incessant et intarissable. Dans ces deux postulats, bouddhiste ou quantique, le vide est indivisible, subtil, et ne peut être décrit par notre langage. Le plein correspond à notre réalité visible, mais il ne peut, non-plus, être décrit par des mots car il forme un tout dans lequel la matière et la conscience sont indissolubles. Tout s’interpénètre, chaque partie est le tout.